Coopérer en système contraint



Ce contenu de formation est une production des participants à la formation animacoop LR 2010. Ont participé à la rédaction finale Laure Abadie, Rémy Casteran, Didier Chretien, Thomas Dupressoir, Bertrand Fritsch, Elisabeth Lécroart, Clarisse Picandet, Marie-Pierre Terrisse. Y est accolée une conférence flashmeeting avec J.M Cornu sur le sujet que vous pourrez ré-écouter ici :



Coopérer, même en environnement contraint : Les leçons du terrain.


« La tolérance n'est pas une concession que je fais à l'autre, elle est la reconnaissance du principe qu'une partie de la vérité m'échappe. » (Paul Ricoeur)

Dans les structures publiques et les fédérations, de nombreux réseaux professionnels sont créés pour restructurer le travail ou développer de nouveaux services.

Lorsqu'elle est impulsée par une volonté politique au sein d'une structure hiérarchisée, le démarrage et l'entretien d'un réseau coopératif rencontre des contraintes spécifiques.

Les animateurs de réseaux se sentent parfois isolés et se posent un certain nombre de questions :
- comment collaborer et coopérer dans un système hiérarchisé et planifié ?
  • comment impulser les échanges dans des structures où le pouvoir est centralisé, même si l'on n'a aucun pouvoir décisionnel ?

Voici nos réflexions, issues de travaux de groupe sur les solutions et les marges de manœuvre mobilisables pour faire évoluer le système en douceur.

La fonction de Coordination


Dans les structures hiérarchisées, les acteurs sont habitués au système pyramidal et au contrôle. Le pouvoir centralisé rends les étapes de validation chronophages et le système bien connu des navettes devient vite laborieux...

En système contraint, la coopération implique donc un changement culturel.

Problème ou opportunité ?


L'environnement structuré peut être vu comme un frein à la coopération qui entraîne la démotivation de l'animateur de réseau. Mais il peut aussi le considérer comme un défi pour lequel il va trouver des moyens de transformer l'organisation.
Le coordinateur a alors plusieurs solutions pour transformer ses problèmes en opportunités.

Comme le raconte Michel Serres, sur un bateau coexistent 2 chefs complémentaires, celui qui punit et celui qui récompense. Les deux chefs ont leur intérêt, travailler à la fois en planification et en coopération est possible. En effet, accepter un système contraint n'empêche pas de faire avancer une démarche parallèle...

« Entre le cristal (structure sans mouvement) et la fumée (mouvement sans structure), il faut choisir le meilleur équilibre, la bonne distance : Ni trop, ni trop peu ! » (Didier)


Le coordinateur a alors 3 approches possibles :
  • Composer avec les "2 chefs" : affirmer sa démarche coopérative de travail est particulièrement important dans ce cadre.
- Etre les "2 chefs en même temps" (ou du bon usage de la schizophrénie). Dans le cas ou le coordinateur est aussi le responsable hiérarchique, il faut veiller à expliciter la démarche. Valoriser ce choix de coopérer, plutôt que de travailler sous la contrainte avec ses collaborateurs, peut désamorcer les conflits sous-jacents.
- Avancer "caché"...à la cyber-sioux : Monter le réseau en cachette, puis montrer que ça fonctionne. Convaincre par le fait que c'est possible, car comme dit le proverbe danois "On est plus facilement pardonné que l'on a l'autorisation".

Motiver plutôt que mobiliser

Mobiliser n'est pas possible sans lien hiérarchique : il faut donc que les décideurs s'impliquent.
Le coordinateur doit donc réfléchir sur les motivations et les freins pour savoir sur lesquels il peut jouer. Baisser le seuil de passage à l'acte pour la participation est aussi important :

Prendre en compte l'Humain
  • L'animateur peut proposer à chaque fois un nouvel outil pour motiver par l'apprentissage (Laurent).
  • Favoriser l’expression des attentes et des apports possibles de chacun-e pour un système de rétribution – contribution, don/contre-don équitable et attractif (Rémy).

S'appuyer sur l'existant :
  • Trouver des exemples, des bases de données permettant de collecter des "ils l'ont fait c'est possible" et des "petites expériences irréversibles de coopération". Par exemple, un questionnaire préalable à un colloque a donné lieu à l'édition d'un guide distribué aux participants (Laurent).
  • Faire du neuf avec de l’ancien et vice versa : trouver des exemples qui "ressemblent" à un projet nouveau. Présenter le projet comme quelque chose "d'ancien"... sans parler au départ des nouveautés.
  • User, voire abuser des "success stories", des expériences "qui en jettent", de tout ce qui peut faire dire "Et pourquoi pas chez moi?". Les administrateurs des organisations et systèmes contraints y sont généralement sensibles.

Favoriser l'ouverture
  • Favoriser les déplacements sur d'autres territoires, les ouvertures à l'échelle nationale, internationales...
  • Rendre visibles les réseaux parallèles qui complètent souvent les systèmes très verticaux (exemple de l'ONF).
  • Se faire aider par des intervenants extérieurs, Par exemple, l’argumentaire d’un "intervenant-star" de la coopération (JM Cornu, M. Brian…) pourra faire bouger les lignes.

Cependant, il faut veiller à intégrer ces interventions dans un événement prévu traitant d'un sujet "voisin" : développement local, techniques de partenariats, fédérer autour d'un objectif...

S'interconnecter :

En système contraint, le coordinateur ne doit pas rester isolé, tant à l'intérieur qu’à l'extérieur de sa structure.
  • S'entourer d'un petit noyau de collaborateurs.
  • Participer aux Rencontres animateurs de réseaux en 2011 (Outils-Réseaux / Supagro),
  • Participer aux visioconférences Flashmeeting avec JM Cornu et la promotion de Brest...

Des outils pour coopérer


Utilisés de manière "ouverte", les outils coopératif TIC peuvent faire peur à certains élus, administrateurs d'associations, salarié-e-s, etc.
Pour les présenter et les pratiquer, la prudence et beaucoup d’astuces sont nécessaires.

Pourquoi craindre les TIC ?

Les technologies de l'information et de la communication ont parfois mauvaise presse. Les outils sont souvent accusés :
  • de déshumaniser les échanges,
  • d'être réservés aux seuls initiés
  • Le partage des données, leur mise à disposition, représente un risque pour les structures. Cela peut mettre en danger la confidentialité des données internes.
Toutefois, les faits présentent une réalité toute autre.

De l'utilité des TIC

En effet, les études montrent que les personnes les plus connectées sont souvent celles qui ont la vie sociale la plus développée. Le lien social est plutôt renforcé, car on ne remplace pas les moments où l'on se voit mais les moments où l'on ne se voit pas...
Usages présentiels et à distance sont clairement complémentaires...

moustic

La coopération à distance avec des publics en difficulté vivant dans des pays dits "en voie de développement" fonctionne bien (Expérience des visioconférences de M. Cornu au Mali), alors pourquoi pas ici ?

Aujourd'hui, la valeur n'est plus dans la rareté (protection et propriété des données), elle est dans l'abondance. C'est à dire que le partage des biens non rivaux, comme l'information, génère de la valeur. Par exemple, donner plusieurs réponses au lieu de ne donner que la meilleure.

Quelques pistes

Le fait d'intégrer les TIC par "petites touches", sur des événements existants, et pour les sujets les plus divers permet de dépasser les craintes.
Par exemple, une réunion ou un événement consacrés au sport, au théâtre, à l'éducation populaire, permet d’intégrer "discrètement" un outil coopératif … sans parler des TIC.

Certaines personnes réticentes ou méfiantes pourront se montrer "curieuses" devant un outil appliqué à un usage précis. L'intérêt pour l'utilité, la convivialité ou la rapidité donnée par l'outil peut alors amener les personnes à faire une "petite expérience irréversible de coopération"... Un premier pas vers l'intégration de nouvelles habitudes.

Au départ, le fait d'accepter certains "verrouillages" ou différents niveaux d’autorisation (pages internet gérées par un administrateur, protection des données...) peut rassurer les dirigeants. Cela évite ainsi toute situation de blocage vis à vis de ces outils. Ensuite, lorsque les élus et/ou administrateurs sont pleinement rassurés et prêts, il est possible de passer à l'étape suivante et déverrouiller peut à peu le système pour permettre une plus large participation.


Conclusion

Le monde est devenu complexe, imprévisible. Les structures existantes tentent de s'adapter à leur environnement, grâce aux usages collaboratifs.
Ce grand défi nécessite un changement de culture et de nouvelles pratiques.
Le chantier le plus important reste la transformation de notre vision du monde.


Des solutions existent, le tout est de croire que l'on peut y arriver et de ne pas se décourager !


Références pour aller plus loin

  • Incultures ... managériales!
  • LEVY, Pierre. (1997). L’Intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberspace. Paris : La Découverte, 245 p
  • VERCAUTEREN D. (2007) Micro-politique des groupes. Pour une écologie des pratiques collectives - Editions HB - (… fondées par Huguette Bouchardeau ont déposé le bilan en 2008 mais le livre est téléchargeable par chapitre ) ici
  • Voir la note de lecture de Pascal Nicolas-Le Strat lien
Auteurs : Association Outils-Réseaux, J.M Cornu, Les stagiaires de la session animacoop LR 2010
Crédits illustrations sous licence creativecommons : by lecucurbitacee - by pascal - by Moustic 2011

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